Le chef Jean-Pierre Poivrot, deux étoiles au Michelin, ne décolère pas. Après vingt ans de carrière et des milliers d’heures passées à peaufiner ses assaisonnements, il a décidé de déclarer la guerre aux « saleurs compulsifs », ces clients qui osent demander la salière avant même d’avoir effleuré leur plat de leurs papilles.
« C’est comme si vous demandiez un autographe à Monica Bellucci et que vous commenciez par lui tendre un tube de fond de teint », s’emporte le chef, les yeux brillants de rage contenue. Face à ce qu’il considère comme une « agression culinaire caractérisée », il a mis en place un système de représailles graduées qui fait trembler le petit monde de la gastronomie.
Les techniques de dissuasion
Son arsenal anti-sel commence dès l’entrée du restaurant. Un panneau subtil prévient : « Ici, le sel est comme l’amour : il ne se demande pas, il se mérite. » Les serveurs, formés à repérer les « profils à risque », sont équipés d’un code couleur secret. « Quand un client tripote nerveusement sa serviette en regardant autour de lui, c’est qu’il cherche la salière. Code rouge », explique François, maître d’hôtel depuis 15 ans.
Pour les récidivistes identifiés, le chef a développé des méthodes particulièrement retorses. « On leur apporte une salière spéciale, remplie d’un mélange de sel et de sucre », confie un commis sous couvert d’anonymat. « Le pire, c’est qu’ils font semblant d’apprécier pour ne pas perdre la face. »
Une escalade sophistiquée
Les sanctions peuvent monter d’un cran pour les cas les plus graves. « Un jour, j’ai vu un client saler mon soufflé au comté avant même qu’il ne touche la table », raconte le chef Poivrot, encore ému. « J’ai immédiatement activé le protocole ‘Mer Morte’. » Ce protocole consiste à resservir systématiquement le client avec des plats progressivement plus salés, jusqu’à ce qu’il craque. « Le record est de sept plats. Le type a fini par supplier pour un verre d’eau. »
D’autres techniques plus sournoises ont été mises au point :
- La « salière fantôme » : une salière dont les trous sont bouchés à la cire
- Le « sel de la honte » : une salière qui déclenche une petite musique quand on la soulève
- Le « cercle de sel » : les serveurs qui tournent autour de la table avec des moulins à sel sans jamais s’arrêter
Un mouvement qui prend de l’ampleur
Le combat du chef Poivrot a trouvé un écho favorable dans la profession. L’Association de Défense de l’Assaisonnement Raisonné (ADAR) revendique désormais plus de 500 restaurants membres. Leur slogan : « Goûte d’abord, tu saleras peut-être. »
Certains établissements ont même instauré un système de caution sur les salières. « 50 euros de caution, remboursés uniquement si la salière n’a pas été touchée », explique Pierre Maldon, trésorier de l’ADAR. « Ça fait réfléchir. »
Des résultats encourageants
Les premiers résultats sont là : selon une étude interne, la consommation de sel ajouté a baissé de 40% dans les restaurants participants. « Les gens réapprennent à faire confiance aux chefs », se réjouit Jean-Pierre Poivrot. « Même si parfois, on surprend encore des clients avec des sachets de sel de contrebande dans leurs chaussettes. »
Le mouvement prend une telle ampleur que certains parlent déjà de créer une brigade spéciale anti-sel, les « S.W.A.T. » (Salt Watching Action Team). Leurs membres, reconnaissables à leur pin’s en forme de salière barrée, seraient habilités à intervenir dans n’importe quel restaurant pour confisquer les salières suspectes.
En attendant, le chef Poivrot continue son combat. Son prochain projet ? Un livre témoignage intitulé « Dans la salière des autres », où il raconte ses vingt ans de lutte contre le salage intempestif. Une chose est sûre : dans cette guerre du sel, il n’a pas fini de remuer le couteau dans la plaie.