« La procrastination n’est pas un défaut, c’est une méthodologie de recherche », affirme avec conviction le Professeur Ivan Krishnamoorthy dans son bureau du CNRS, entouré de piles de documents qu’il « traitera plus tard ». L’homme qui a révolutionné notre compréhension de l’inaction scientifique avec son Détecteur de Procrastination Scientifique (DPS) en 2019 s’apprête aujourd’hui à dévoiler une nouvelle série de projets de recherche qui promettent de repousser encore plus loin les frontières de l’inutile.
« Le DPS a été une révélation », explique en souriant le chercheur de 54 ans, tout en repoussant pour la troisième fois notre entretien de la journée. « Nous avons enfin pu quantifier scientifiquement le temps que les chercheurs passent à ne pas faire leur travail. Les résultats ont dépassé nos espérances les plus optimistes. »
Installé dans plus de 200 laboratoires français, le DPS a permis de démontrer que la procrastination augmente de manière exponentielle à l’approche des dates limites, une découverte qui a valu à Krishnamoorthy le prestigieux prix Nobel de l’Inaction 2023. « C’est fascinant », poursuit-il, « plus la deadline est proche, plus les chercheurs trouvent des tâches alternatives essentielles à accomplir, comme réorganiser leur bibliothèque par couleur ou optimiser la disposition des post-it sur leur bureau. »
Fort de ce succès, le Professeur Krishnamoorthy, en tant que Directeur du Programme d’Innovation Futile et Recherche Absurde (PIFRA), présente aujourd’hui une nouvelle série de projets de recherche pour 2025. « Ces projets représentent ce que la science française fait de mieux en matière d’études parfaitement superflues », déclare-t-il avec fierté, tout en nous montrant une étude de 47 pages sur la corrélation entre la position de stockage des baguettes et leur durée de vie.
Voici les projets sélectionnés pour l’année 2025, tous rigoureusement évalués pour garantir leur absolue inutilité :
PROJET GRIBOUILLIS-DECODER
Référence: GRIB-2025-009
Budget demandé: 980 000€
Durée: 42 mois

Développement révolutionnaire d’une Intelligence Artificielle spécialisée dans le déchiffrement des gribouillis scientifiques. Le projet vise à décoder les notes incompréhensibles prises par les chercheurs pendant les réunions importantes, y compris les schémas mystérieux dessinés dans les marges. L’IA sera notamment capable d’analyser la corrélation entre l’illisibilité des notes et l’importance de la réunion. Une attention particulière sera portée aux gribouillis produits pendant les sessions de « brainstorming créatif » après 16h et la troisième tasse de café.
Phase 1 : Collecte massive de gribouillis auprès de chercheurs endormis en réunion
Phase 2 : Classification des motifs récurrents (spirales, petits bonshommes, flèches menant nulle part)
Phase 3 : Développement d’un dictionnaire universel des symboles mystérieux
Phase 4 : Tests cliniques sur des Post-it retrouvés six mois plus tard
Le projet inclut également le développement d’une application mobile capable de traduire en temps réel les hiéroglyphes modernes que sont les notes de conférence des doctorants.
PROJET BAGUETTONOMIE
Référence: BAG-2025-001
Budget demandé: 450 000€
Durée: 36 mois
Responsable: Dr. Jean-Michel Croûton
Équipe: 5 experts en dynamique du gluten, 2 acousticiens du croustillant, 1 philosophe du pain
Étude approfondie révolutionnaire sur l’impact de la position de stockage des baguettes sur leur durée de vie et leur croustillant. L’équipe développera le « CroustiMètre 3000™ », un accéléromètre de pointe capable de mesurer avec une précision nanométrique la vitesse de ramollissement de la croûte en fonction de l’angle d’inclinaison. Une attention particulière sera portée à l’analyse multifactorielle de la verticalité vs. horizontalité dans différentes conditions atmosphériques, incluant l’effet dévastateur des cuisines en open space.
Le projet étudiera également le mystérieux « Point de Non-Retour Baguettique » (PNRB), cet instant précis où une baguette passe de « délicieusement croustillante » à « dangereusement capable de remplacer un marteau ». Les chercheurs exploreront la théorie controversée du « Paradoxe de la Baguette de Schrödinger », selon laquelle une baguette dans son sac en papier est simultanément fraîche et rassis jusqu’à ce qu’un client l’observe.
Innovation majeure : Conception d’un sac à baguette gravitationnellement neutre utilisant des matériaux issus de la NASA pour maintenir un environnement de croustillance optimal pendant une durée record de 37 minutes.
PROJET CoffeeWatch™ 2029
Référence: CAF-2025-002
Budget demandé: 785 000€
Durée: 48 mois
Responsable : Dr. Marco Cof
Équipe: 8 chercheurs sur-caféinés, 2 baristas scientifiques, 1 expert en machine learning insomniaque

Quantification précise du nombre optimal de pauses café nécessaires pour maximiser la productivité des chercheurs. Le projet développera une Intelligence Artificielle baptisée « CoffeeWatch™ 2029 » capable de prédire le moment exact où un chercheur a besoin d’une pause café en analysant ses mouvements de souris erratiques, son rythme de frappe au clavier, et le nombre de fois où il fixe le plafond par minute. Le système intégrera un algorithme de détection des bâillements par reconnaissance faciale et un capteur de grommellements frustratés.
Une attention particulière sera portée à l’étude des corrélations entre la consommation de café et la qualité des idées scientifiques, avec une hypothèse de travail suggérant que les meilleures innovations surgissent entre la quatrième et la cinquième tasse. Le projet inclut également le développement d’une machine à café augmentée par IA, capable d’ajuster automatiquement la concentration de caféine en fonction du nombre de deadlines imminentes et du niveau de panique ambiant dans le laboratoire.
Impact attendu : Optimisation du ratio « temps passé à la machine à café/temps passé à travailler réellement » et création d’une nouvelle métrique scientifique : le Quotient Caféique de Productivité (QCP).
PROJET RÉUNIONOLOGIE
Référence: REU-2025-003
Budget demandé: 920 000€
Durée: 24 mois
Responsable: Dr. Sophie Verbatim
Équipe: 6 chercheurs en attention simulée, 2 experts en dynamique de somnolence, 1 spécialiste en contorsions faciales professionnelles
Étude statistique approfondie sur la corrélation entre la durée des réunions et le nombre de participants qui font semblant d’écouter. Le projet développera « MeetingMind™ », un algorithme révolutionnaire de reconnaissance faciale capable de détecter non seulement si quelqu’un fait ses courses en ligne pendant une visioconférence, mais aussi s’il consulte ses emails, joue à Candy Crush, ou planifie ses prochaines vacances.
L’innovation majeure réside dans le développement d’un index de désengagement progressif (IDP) mesurant avec précision la transition subtile entre « participation active » et « présence végétative ». Le système analysera également les expressions faciales standardisées de faux intérêt, incluant le fameux « hochement de tête automatique » et le « sourire figé post-sieste ». Une attention particulière sera portée à l’étude du phénomène « je-dois-partir-dans-5-minutes » qui se manifeste systématiquement 45 minutes avant la fin réelle des réunions.
Impact attendu: Réduction significative du temps perdu en réunions inutiles grâce à un score d’ennui collectif en temps réel, et développement d’un guide des meilleures excuses pour quitter une réunion prématurément.
PROJET PROCRASTINESCENCE
Référence: PRO-2025-004
Budget demandé: 675 000€
Durée: 60 mois (avec possibles reports)
Analyse comportementale des mécanismes de procrastination chez les chercheurs en deadline. L’étude inclut le développement d’un indice de procrastination basé sur le nombre d’épisodes Netflix visionnés la veille d’une date limite importante.
PROJET MÉMOIRE-USB
Référence: USB-2025-005
Budget demandé: 550 000€
Durée: 36 mois
Étude sur le phénomène universel des clés USB qui nécessitent systématiquement trois tentatives avant d’être insérées correctement. Le projet inclut la modélisation 3D d’une clé USB qui ne pourrait être insérée que dans le bon sens, projet jugé impossible par la communauté scientifique.
PROJET PLANTE-BUREAU
Référence: PLT-2025-006
Budget demandé: 890 000€
Durée: 48 mois
Responsable: Dr. Jasmine Fougère
Équipe: 12 chercheurs, 3 botanistes dépressifs, 1 psychologue pour plantes

Étude longitudinale sur la survie des plantes de bureau en milieu académique, avec développement d’une variété génétiquement modifiée baptisée « Survivalis Academica ». Cette super-plante sera capable de résister aux conditions extrêmes des laboratoires de recherche : oublis d’arrosage systématiques, exposition à la climatisation déshydratante, et traumatismes liés aux déménagements de bureau impromptus.
Phase 1 : Étude comportementale (12 mois) La première phase établira une cartographie exhaustive des comportements destructeurs en milieu académique. Nous analyserons le temps moyen entre deux arrosages en période de deadline et développerons un indice de culpabilité collective post-mortem végétale. Une attention particulière sera portée à l’étude de l’impact psychologique des post-it « SVP ARROSER LA PLANTE » systématiquement ignorés.
Phase 2 : Développement génétique (18 mois) Cette phase cruciale visera à créer une plante dotée d’un système d’alerte sonore et d’un mécanisme d’auto-arrosage alimenté par la condensation des larmes de doctorants. Les innovations incluront un système racinaire capable de métaboliser le café renversé et une résistance accrue aux conversations scientifiques soporifiques.
Phase 3 : Innovations technologiques (12 mois) Nous développerons un pot connecté affichant en temps réel le niveau de désespoir de la plante, couplé à une application mobile « Plant Rescue » permettant aux laboratoires de comparer leurs scores de négligence. Un algorithme prédictif des périodes d’abandon massif sera également mis en place.
Phase 4 : Tests en conditions réelles (6 mois) Le déploiement dans 50 laboratoires tests permettra d’évaluer le taux de survie pendant les congés d’été et de mesurer l’attachement émotionnel des chercheurs aux nouvelles plantes. Une échelle standardisée de négligence végétale en milieu académique sera établie.
Livrables attendus Un guide de survie pour plantes de bureau traduit en langage végétal, une variété de plante quasi-immortelle, et un rapport exhaustif de 500 pages expliquant scientifiquement pourquoi les plantes meurent systématiquement pendant les vacances. Une application de thérapie de groupe pour chercheurs aux pouces noirs complètera le dispositif.
PROJET MÉTÉO-PLANNING
Référence: MET-2025-007
Budget demandé: 730 000€
Durée: 24 mois
Analyse de la corrélation entre la programmation des réunions en extérieur et la probabilité de précipitations. L’étude inclut le développement d’un modèle prédictif capable d’anticiper la pluie spécifiquement pendant les pauses déjeuner.
PROJET IMPRIMANTE-QUANTIQUE
Référence : IMP-2025-008
Budget demandé : 1 200 000€
Durée : 48 mois
Responsable : Pr. Cyan Magenta
Équipe : 4 physiciens quantiques, 3 experts en paradoxes temporels, 1 médium spécialisé en communication avec les imprimantes

Développement d’une théorie unifiée expliquant pourquoi les imprimantes tombent systématiquement en panne 5 minutes avant une deadline importante. Le projet explore l’hypothèse révolutionnaire selon laquelle les imprimantes existeraient simultanément dans deux états quantiques : « parfaitement fonctionnel » et « catastrophiquement en panne », avec une superposition qui s’effondre invariablement vers le second état en présence d’une urgence.
L’équipe étudiera également le « Paradoxe du Toner de Schrödinger », où une cartouche d’encre est simultanément vide et pleine jusqu’à ce qu’un technicien l’observe, ainsi que le phénomène de « Dématérialisation Sélective des Documents » (DSD) qui fait mystérieusement disparaître les fichiers dans le « vide quantique » de la file d’impression. Une attention particulière sera portée à la corrélation troublante entre l’importance d’un document et la probabilité qu’il soit imprimé en mode brouillon rose fluo.
Innovation majeure : Développement du « Quantum Print Predictor™ », un appareil capable de prévoir les pannes d’imprimante avant qu’elles ne se produisent, permettant ainsi aux chercheurs de paniquer en avance plutôt qu’à la dernière minute.
MÉTHODOLOGIE ET MOYENS
Chaque projet nécessitera :
- Une équipe de chercheurs surqualifiés pour des tâches absurdement simples
- Des stagiaires pour refaire le café et redémarrer les ordinateurs
- Un budget conséquent pour des équipements qui seront utilisés une fois
- De nombreuses réunions pour planifier d’autres réunions
- La rédaction de rapports détaillés que personne ne lira
RÉSULTATS ATTENDUS
- Publication dans des revues prestigieuses avec des titres incompréhensibles
- Présentation dans des conférences où tout le monde fait semblant de comprendre
- Développement de nouveaux acronymes encore plus complexes
- Production de graphiques colorés pour impressionner les financeurs
- Justification de nouveaux projets encore plus absurdes pour l’année suivante
IMPACT SOCIÉTAL
Ces projets permettront de :
- Donner du travail à des chercheurs qui autrement devraient faire des choses utiles
- Générer suffisamment de données pour justifier l’achat de nouveaux serveurs
- Créer des problèmes qui nécessiteront de nouveaux projets pour les résoudre
- Contribuer significativement à la production mondiale de paperasse administrative
Par Marie-Claire Dubois Correspondante Sciences & Technologies