Dans la grande tradition du théâtre de l’absurde français, François Bayrou nous présente sa dernière création : « Le musical des ministres recyclables ». Un spectacle éblouissant où les acteurs changent de costume mais gardent mystérieusement les mêmes répliques.
Acte I : Les Immobiles Mobiles
Bruno Retailleau, nouveau caudillo autoproclamé de Place Beauvau, règne sur son ministère avec la subtilité d’un mariachi dans une bibliothèque. Fraîchement décoré de sa propre main de l’Ordre du Piment Rouge (première classe), il aurait, selon les indiscrétions du Canard Enchaîné, transformé son bureau en véritable hacienda administrative. Sa dernière trouvaille ? Un système biométrique qui ne s’active qu’au son de « La Cucaracha » sifflée en fa dièse, et une équipe de sécurité rebaptisée « Los Funcionarios Bandidos ». Les plus téméraires murmurent qu’il aurait même tenté de renommer le ministère « La Casa de Papel… Administratif », mais Bercy aurait opposé son veto, par pure jalousie probablement.
Sébastien Lecornu reste aux Armées, prouvant qu’on peut être inamovible dans un gouvernement de changement. Sa promotion au grade de « Maréchal du Café » a été célébrée dans la plus pure tradition militaire : un treillis en cachemire sur mesure et des galons en grains d’arabica. Sa plus grande victoire à ce jour ? Avoir mémorisé les 47 combinaisons différentes de la machine à café ministérielle, un exploit stratégique qui lui vaut le respect unanime de l’état-major. Les mauvaises langues diraient qu’il confond encore « Opération Expresso » et « Mission Capuccino », mais ses conseillers jurent qu’il peut désormais différencier un café court d’une offensive éclair.
Acte II : Les Phénix Politiques
Après sa traversée du désert espagnol, une parenthèse électorale aussi brève que cinglante, Manuel Valls revient aux Outre-mer. Un poste qui ressemble étrangement à un placard diplomatique doré, mais pudiquement consenti. Son parcours ressemble à ces romans dont on ne comprend jamais vraiment l’intrigue : rejeté par Macron, recalé à Barcelone, voilà notre héros propulsé vers des territoires où sa vision jacobine pourra enfin s’exprimer. Un peu comme un chef d’orchestre qu’on enverrait diriger un ensemble de musique traditionnelle polynésienne. Les Outre-mer deviennent ainsi son nouveau terrain de jeu politique, un espace où il pourra collectionner les noix de coco loin des regards parisiens. Un exil ministériel choisi ? Un placard honorable ? Ou simplement la dernière station d’un périple politique commencé rue de Solférino ? Seul Valls connaît la réponse. Et encore.
Après avoir orchestré la symphonie des réformes nationales, Élisabeth Borne troque sa baguette de cheffe du gouvernement pour la règle du professeur. La voilà propulsée à la tête de l’Éducation nationale, un ministère où les grèves de stylos remplacent celles des transports.Habituée aux débats houleux de l’Assemblée, elle découvre maintenant l’arène impitoyable des conseils de classe. On murmure dans les couloirs qu’elle envisage d’appliquer ses méthodes éprouvées : le 49.3 pédagogique. « Quand le dialogue est dans l’impasse, on passe au bulletin sans discussion », aurait-elle confié à ses proches.Son projet phare ? Repenser le concept même de l’éducation. « L’école obligatoire jusqu’à 64 ans », clame-t-elle avec enthousiasme. Après tout, pourquoi limiter l’apprentissage à la jeunesse quand on peut étendre le bonheur des mathématiques et des dictées à toute une vie ?Les syndicats d’enseignants, déjà échaudés par ses méthodes à Matignon, s’interrogent. Mais Borne, fidèle à elle-même, reste imperturbable. Elle promet une « révolution copernicienne de l’éducation », même si pour l’instant, beaucoup se demandent si ce n’est pas plutôt la Terre qui va tourner autour de son bureau.Une chose est sûre : avec Élisabeth Borne aux commandes, la sonnerie de fin des cours risque de retentir bien au-delà de l’heure habituelle. Reste à voir si ses nouvelles réformes passeront l’épreuve du tableau noir ou si elles finiront au coin, comme un élève dissipé.
Acte III : La Valse des Étiquettes
Gérald Darmanin, le nouveau garde des Sceaux, c’est un peu comme nommer un chat gardien d’une animalerie de hamsters. Après avoir fait ses preuves au ministère de l’Intérieur, il se retrouve maintenant à jongler avec les subtilités du droit, un domaine où les nuances sont aussi essentielles qu’un bon avocat. Darmanin a déjà annoncé son intention de moderniser la justice, comme remplacer les magistrats par des intelligences artificielles comme ChatGPT. Reste à voir si cette vision futuriste sera bien accueillie par les avocats et les magistrats, qui pourraient avoir du mal à rivaliser avec un logiciel capable de générer des jugements en quelques secondes.
Éric Lombard fait son entrée à Bercy comme un illusionniste dans un congrès de comptables, armé de sa calculette enchantée et d’une créativité arithmétique qui ferait pâlir Pythagore. Ancien manitou de la Caisse des dépôts, il aborde le déficit avec la décontraction d’un joueur de Monopoly professionnel. Sa méthode révolutionnaire ? Une approche « quantico-poétique » des mathématiques où, selon ses propres mots murmurés dans les couloirs dorés du ministère, « les milliards sont comme les chats de Schrödinger : à la fois présents et absents du budget, selon l’observateur et son orientation politique. » On raconte même qu’il aurait fait installer dans son bureau un tableau noir couvert d’équations dont la seule constante serait « 49.3 », et qu’il présenterait fièrement ses nouvelles théories à des banquiers médusés : « Voyez-vous, chers collègues, si nous appliquons le théorème de la relativité budgétaire ! »
Rachida Dati débarque rue de Valois comme une héroïne de Balzac égarée dans un épisode de Quotidien. Notre nouvelle marquise des Beaux-Arts, fraîchement convertie aux subtilités de l’art contemporain, aurait déjà proposé de rebaptiser le Centre Pompidou en « Palais de Justice des Arts ». Ses détracteurs murmurent qu’elle confondrait encore Manet et mandat, mais ses proches assurent qu’elle maîtrise désormais parfaitement la différence entre une exposition et une garde à vue. Sa première mesure ? Imposer le droit de réponse aux tableaux de Picasso, jugés « anatomiquement tendancieux ». La nouvelle gardienne du temple culturel promet également une réforme judiciaire… pardon, culturelle, où les subventions seraient attribuées par un jury populaire, « comme dans les bonnes séries Netflix ».
Annie Genevard débarque au ministère de l’Agriculture comme une bibliothécaire dans une foire agricole. L’ancienne professeure de lettres, propulsée gardienne de nos terroirs, aurait déjà entrepris de réorganiser les dossiers de la PAC par ordre alphabétique, « comme dans un bon dictionnaire Larousse ». Sa première initiative ? Proposer un club de lecture aux agriculteurs en colère, où « Les Géorgiques » de Virgile côtoieraient les rapports sur le prix du blé. Les mauvaises langues affirment qu’elle aurait confondu l’INRAE avec une nouvelle collection de la Pléiade, mais ses défenseurs assurent qu’elle maîtrise désormais la différence entre une rotation des cultures et une figure de style. Son grand projet ? Transformer les conseils agricoles en ateliers d’écriture créative, où les éleveurs pourraient « exprimer leur ressenti face à la volatilité des cours du porc ». On murmure même qu’elle envisagerait de renommer les coopératives agricoles en « cercles littéraires ruraux », mais le syndicat majoritaire aurait opposé son veto, probablement par peur d’une analyse structurale des bulletins de paie.
Grand final : Le tour du chapeau de Bayrou
François Bayrou, dans un numéro digne des plus grands magiciens, réussit l’impossible : faire croire au changement tout en gardant la même politique. Un tour de force qui rappelle cette célèbre maxime politique : « Plus ça change, plus c’est la même chose, mais avec des bureaux différents. »
Ce nouveau gouvernement ressemble à une partie de Tetris politique où les pièces changent de forme mais occupent toujours le même espace. Avec une partie significative de ministres « recyclés », Bayrou s’impose comme le champion insoupçonné de l’économie circulaire en politique.
Ce remaniement ministériel est donc comme un grand spectacle de variétés où les artistes auraient juste échangé leurs costumes en coulisses. Certains diraient que c’est du recyclage, d’autres de l’optimisation des ressources humaines. Une chose est sûre : les humoristes français peuvent dormir tranquilles, leur matière première est garantie pour les prochains mois.